Cela fait si longtemps que j’habite au Québec et que je suis en processus avancé d’assimilation par sa culture, que je peux déjà dire sa devise « je me souviens », toute proportion gardée, naturellement… Je ne suis pas venue au monde ici, mes ancêtres non plus. Mais on finit par s’attacher à l’écorce de la souche et à prendre son allure.
À la fin février-début mars, la nostalgie du « temps des sucres » vient murmurer des mots doux dans mes oreilles et mon cœur n’est pas sourd. La production du sirop d’érable est l'un des premiers signes du printemps, l'annonce que l’hiver achève. La réalité du fait que nous faisons partie intégrante de la Terre est plus évidente dans ces hautes latitudes. Nous sommes intégrés dans le rythme de la Nature.
Aujourd'hui, il y a une production énorme par des systèmes modernes, industrialisés. Cependant, il existe encore quelques cabanes à sucre à la mode ancienne. Dans le bon vieux temps, la fin de semaine, les familles et les amis se rencontraient dans les cabanes pour des repas typiques ou pour s'amuser en même temps qu'on aidait aux travaux. J'espère que cette belle tradition se poursuivra.
Tant de gens qui ne sont plus parmi nous...
Marcher dans les bois à l'hiver n'est pas aussi facile qu'il n'y paraît, surtout pour une Citadine comme moi, qui viens d'un pays tropical en plus. Quand il y a encore beaucoup de neige au sol, on ne sait pas si le pied va s'enfoncer ou non, si on marche sur une branche brisée, ou sur une roche. Moi, en tout cas, j'avais de la difficulté. N'ayant pas cette coutume, on peut imaginer comment je marchais en lenteur et les rires que ça provoquait, à commencer par mon mari, un vrai Québécois. Résultat: je préférais rester à la cuisine pour laver la vaisselle. Dehors, juste pour prendre des photos et respirer de l'air pur. Il y avait de quoi à faire pour tout le monde.
Dans la cabane à sucre c’est comme si on était chez un druide, comme si on était dans un monde magique, pour goûter les plaisirs d'une "potion" délicieuse qui est en train d'être préparée. On est enveloppé par un nuage sucré, ça sent sucré, ça goûte sucré. La vapeur sucrée se condense au plafond puis on reçoit des gouttes sucrées sur nos corps... les amis et la famille ensemble pour accueillir le printemps en toute douceur.
Dans le temps où j’allais à une ancienne cabane à sucre – de mon beau-père –, le bouilleur officiel était mon mari. On était les premiers à arriver, très tôt, et les derniers à partir, au coucher du soleil – il n’y avait pas d’électricité.
Dans ces cabanes rustiques, c’est le bouilleur qui chauffe et qui fait bouillir. Et la cabane devient accueillante tandis que l'eau se transforme en sirop. C'est lui qui opère ce miracle, le bouilleur. Puis, les miracles... ça ne finit plus... le sirop change en tire, en beurre d'érable, en grand-père... toute la douceur du monde dans la cabane. Puis... ça change en printemps!
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Ce texte a été publié aussi par le journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe
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