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Un
sentiment d'isolement est presque inévitable lorsque nous nous installons dans
un autre pays, aussi accueillant soit-il, et même si nous sommes protégés par
la loi et par un système de soutien. C'est pire quand nous n'avons pas d'enfants,
ces êtres magiques qui construisent des liens entre les parents et le monde
environnant.
Bien
qu'ayant été accueillie chaleureusement et même si je me suis assez bien intégrée
à la société où je vis, je ne serai jamais une « pure laine », comme les
Québécois sont fiers d'être. Je ne serai jamais complètement amalgamée avec les
gens de mon pays d’adoption car c’est impossible de partager nos vécus et notre
identité en tant que peuple; nous pouvons nous raconter nos histoires mais ce
ne sera jamais comme avoir eu un parcours dans les mêmes circonstances. D’autre
part, mes racines me manquent, ma famille, le lieu où je suis venue au monde,
où j’ai grandi. Je trouve que ce n’est plus la même chose, tout a changé…
peut-être moi-même. Ici et là, il y a un hiatus, une lacune que l’on ne peut
pas combler.
Le
temps ne revient pas en arrière pour que nous puissions vivre ce que nous avons
manqué en notre absence. L'immigrant vit dans les limbes, sorte de nulle part.
Il ne s'intègre pas complètement au pays d'adoption et perd le fil de
continuité avec son pays d'origine. Il vivra nulle part, le restant de ses
jours.
L'aspect
positif de cette expérience est d'élargir la façon dont nous voyons les choses,
nous développons une vision qui n’est pas limitée par les frontières de notre
premier pays. Alors que nous essayons fort de nous intégrer dans le pays qui
nous a accueillis, en nous soumettant à une métamorphose pour atteindre un « état
natif », du mieux que nous pouvons, nous pratiquons un exercice de santé
pour les neurones, et cela nous détache de certains conditionnements. D'autres
connexions sont activées, et cela ouvre nos horizons. C'est un peu comme
apprendre une autre langue, ce qui nous permet de naviguer à travers
différentes façons de penser, en utilisant une « switch » invisible.
Il
y a des gains d'un côté, mais, bien sûr, il y a aussi des pertes importantes
dans ce processus. Cependant, si nous n'essayons pas de nous intégrer, nous
n'aurons que les pertes, pas de gains.
Dans
un couple où chacun vient de pays si différents avec des histoires différentes,
comme dans notre cas, il y a de petites oasis de souvenirs semblables, dans la
solitude de chacun, dans nos limbes occidentaux en commun, qui procurent des
moments de pure joie.
L'autre
jour, mon mari a appelé notre chat en utilisant le nom "Rintintin",
dans un moment solitaire d'amusement; il ne pouvait pas imaginer que je
comprendrais. J'ai réagi en disant: "Yooh
Rinty!" Et nous avons commencé à rire en nous rappelant des personnages
de cette célèbre série américaine et de beaucoup d'autres que nous avons
regardées à la télévision, pendant notre enfance. Ce fut un moment magique.
À
ma grande surprise, je me suis retrouvée à exclamer: "Vive l’Amérique
!"
Les habitants de nulle part: version plus longue
Les habitants de nulle part: version plus longue
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