sábado, março 24, 2018

Vive l'Amérique !

Picture from fiftiesweb.com

 
Un sentiment d'isolement est presque inévitable lorsque nous nous installons dans un autre pays, aussi accueillant soit-il, et même si nous sommes protégés par la loi et par un système de soutien. C'est pire quand nous n'avons pas d'enfants, ces êtres magiques qui construisent des liens entre les parents et le monde environnant.
Bien qu'ayant été accueillie chaleureusement et même si je me suis assez bien intégrée à la société où je vis, je ne serai jamais une « pure laine », comme les Québécois sont fiers d'être. Je ne serai jamais complètement amalgamée avec les gens de mon pays d’adoption car c’est impossible de partager nos vécus et notre identité en tant que peuple; nous pouvons nous raconter nos histoires mais ce ne sera jamais comme avoir eu un parcours dans les mêmes circonstances. D’autre part, mes racines me manquent, ma famille, le lieu où je suis venue au monde, où j’ai grandi. Je trouve que ce n’est plus la même chose, tout a changé… peut-être moi-même. Ici et là, il y a un hiatus, une lacune que l’on ne peut pas combler.
Le temps ne revient pas en arrière pour que nous puissions vivre ce que nous avons manqué en notre absence. L'immigrant vit dans les limbes, sorte de nulle part. Il ne s'intègre pas complètement au pays d'adoption et perd le fil de continuité avec son pays d'origine. Il vivra nulle part, le restant de ses jours.
L'aspect positif de cette expérience est d'élargir la façon dont nous voyons les choses, nous développons une vision qui n’est pas limitée par les frontières de notre premier pays. Alors que nous essayons fort de nous intégrer dans le pays qui nous a accueillis, en nous soumettant à une métamorphose pour atteindre un « état natif », du mieux que nous pouvons, nous pratiquons un exercice de santé pour les neurones, et cela nous détache de certains conditionnements. D'autres connexions sont activées, et cela ouvre nos horizons. C'est un peu comme apprendre une autre langue, ce qui nous permet de naviguer à travers différentes façons de penser, en utilisant une « switch » invisible.
Il y a des gains d'un côté, mais, bien sûr, il y a aussi des pertes importantes dans ce processus. Cependant, si nous n'essayons pas de nous intégrer, nous n'aurons que les pertes, pas de gains.
Dans un couple où chacun vient de pays si différents avec des histoires différentes, comme dans notre cas, il y a de petites oasis de souvenirs semblables, dans la solitude de chacun, dans nos limbes occidentaux en commun, qui procurent des moments de pure joie.
L'autre jour, mon mari a appelé notre chat en utilisant le nom "Rintintin", dans un moment solitaire d'amusement; il ne pouvait pas imaginer que je comprendrais. J'ai réagi en disant: "Yooh Rinty!" Et nous avons commencé à rire en nous rappelant des personnages de cette célèbre série américaine et de beaucoup d'autres que nous avons regardées à la télévision, pendant notre enfance. Ce fut un moment magique.
À ma grande surprise, je me suis retrouvée à exclamer: "Vive l’Amérique !"

Les habitants de nulle part: version plus longue

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