sexta-feira, julho 22, 2022

Réécrire - sur les Plaines d'Abraham

 

Português 

J'ai écris ce texte ça fait longtemps, quand je participais d'un groupe invité par l'ancienne KBR Editora, dirigé par l'écrivaine Noga Sklar. L'original est en portugais, mais je l'avais écrit en français aussi. Les personnages sont fictifs. Aujourd'hui, je l'ai réécris avec quelques adaptations et modifications. Je me suis rappelée de ma sœur, qui rédigeait magnifiquement, et m'avait donné le conseil suivant: écrire est l'art de couper des mots (escrever é a arte de cortar palavras)... qui ne sont pas nécessaires, naturellement. Je ne me rappelle plus c'est qui l'auteur de cette phrase. J'ai suivi le conseil, j'ai coupé des mots, même des paragraphes entiers 😊

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"Son identité c'est moi."

La ville de Québec nous plonge dans une sensation de l'universel, comme si c'était l'histoire de toute l'humanité et de chacun de nous. C’est comme parcourir le passé qui nous a façonnés; c’est comme revisiter les histoires qui ont forgé notre destin et sont devenues la vitrine de nous-mêmes. On n’est pas toujours fiers de tout ce qu’il est arrivé, mais on ne peut pas changer le passé. Au moins, il y a tant de rêves de justice qui ont vécu dans ces constructions solides, dans l’architecture de l'ancestralité.

Juste de se promener sur les Plaines d’Abraham, il y a quelque chose qui magnétise, surtout quand on sait qu’elles ont été la scène des batailles décisives pour l’avenir du Canada. Impossible de marcher sur ces champs sans penser à cela, malgré la paix que le parc nous transmet aujourd’hui.

Absorbée dans ces pensées, je me promenais dans le parc un dimanche matin, le ciel bleu, bleu, sans nuages. Je suis arrivée tôt pour profiter du silence, tandis que la ville semblait encore dormir. Le parc ne dormait pas. Toujours à l’écoute, il s’offrait généreux en petits soins, pour accueillir les visiteurs. Les mésanges, entre autres, avec leur habituelle éloquence, étaient toujours là, prêtes aux salutations matinales.

La nature était spécialement bavarde cette journée-là. Les feuilles automnales, tombées déjà en grand nombre, craquaient écrasées par mes pas, et celles encore accrochées aux branches des arbres résistaient au vent et murmuraient de vieilles histoires de souvenirs lointains, au soleil frais du petit matin. Je me suis assise sur un banc placé en haut, d’où je pouvais admirer la beauté du paysage. Devant moi, la vastitude du fleuve Saint-Laurent était la toile de fond parfaite.

Je venais de commencer à lire un livre, et j’ai remarqué qu’une personne arrivait; avec une certaine hésitation, le monsieur choisissait un banc en face. C’était un vieux monsieur, j’ai pensé, puis je me suis corrigée: si je le considère vieux, il doit être très vieux parce que moi, je suis déjà vieille, même si je me sens encore jeune dans ma tête. Quand il s’est finalement assis, j’ai levé mes yeux discrètement pour le voir mieux, et un petit sursaut, j’ai vu qu’il me regardait également, avec un léger sourire. J’ai souri aussi et bégayé un timide bonjour.

Il m’a répondu et m’a fait savoir que j’avais la meilleure vue du parc, assise sur son banc favori. Je me suis levée rapidement et je lui ai offert ma place, je ne voulais que lire, n’importe où j’étais ce serait bon.

- Il y a de la place pour tout le monde, si cela ne vous dérange pas – a-t-il dit et s’est assis à côté de moi – vous êtes une lève-tôt, madame, vous êtes arrivée avant moi.

- Excusez-moi, je suis de passage, je ne viens pas d'ici - je lui ai dit pour essayer d'être gentille et en même temps le rassurer du fait que le banc ne serait pas occupé tous les jours.

Et il a continué sa conversation, qui ressemblait plus à un rapport de vie, ce qui m’a fait conclure que je n’avancerais pas beaucoup dans la lecture. Mais cela ne me dérangeait pas, il avait l'air gentil et inoffensif et, clairement, il avait besoin de parler.

- Après ma retraite, je viens presque tous les jours, pour respirer de l’air pur du parc. Parfois, je venais avec ma femme, avant qu’elle ne tombe malade.

Il est resté pensif un instant et a repris:

- Aujourd’hui, je pense aux temps heureux de notre jeunesse. Ma femme et moi, nous avons vécu dans une époque où tout était plus difficile, il n’y avait pas toutes les ressources d’aujourd'hui pour élever une famille, mais les soucis étaient tous surmontables. Des temps plus pénibles sont venus, car j’ai perdu ma compagne dans la bataille pour la vie. Justement moi qui ai sauvé la vie de beaucoup, en tant que médecin, je ne pus le faire pour l’être que j’aimais tellement... Mais je garde le sentiment de mission accomplie, car j’étais toujours à ses côtés pour la réconforter et pour lui apporter mon amour...

Après la mort de sa douce compagne, il a vendu la maison où ils vivaient et, comme tant d'autres à son âge, a choisi de vivre en appartement, dans un immeuble de ceux construits pour les personnes âgées qui sont encore autonomes. C’est là qu’il espère continuer à vivre, sans déranger personne, jusqu'à ce qu'il vienne le temps de rejoindre sa bien-aimée.

Et il a ajouté:

- je suis désolé de vous déranger avec mes histoires; s'il vous plaît, continuez votre lecture; j’ai un rendez-vous, j’attends quelqu'un, je ne serai pas longtemps ici, aujourd'hui. Cela dit, il s’est penché en arrière, pas pressé.

J’ai lu juste quelques lignes, alors que mon voisin était assoupi. Peu à peu, d’autres personnes ont commencé à arriver au parc, on entendait les petits cris et les rires joyeux des enfants. Ma concentration s’est évanouie complètement au vol des beaux geais bleus, qui lâchaient leurs cris pleins de vigueur. Un petit coup de vent a amené de petites feuilles de tremble sur lui. Elles sont tombées comme une pluie d’étoiles en or. J’ai pensé que notre dormeur se réveillerait, mais non, il devait être habitué.

Le soleil de dimanche montait paresseux et réchauffait le parc. J’ai regardé les arbres autour de moi et j’ai remarqué que les couleurs avaient déjà beaucoup changé. Du rouge en plusieurs tonalités, du jaune à l’orange, encore du vert… Les feuilles étaient brillantes, elles semblaient avoir leur propre lumière. L'automne était à sa plénitude, le cycle de la vie suivait son cheminement en beauté et, surtout, sans chagrin. Je me suis identifiée avec la nature, j’ai eu l’impression de m’intégrer à ce scénario splendide et complet dans sa dimension cyclique. Pour quelques instants, je n’ai pas eu besoin de me poser des questions, j’ai compris tout intuitivement, j’ai accepté ma condition humaine.

Un gros soupir a retenu le souffle du monsieur pendant un moment assez long pour qu’il se réveille de son état d’absence. Et il a remarqué une larme qui coulait, à son insu, de son œil gauche… Une lourde larme que ses doigts ont jointe instinctivement.

À ce moment, on a entendu les cris joyeux de ses petits-enfants l’appeler et il m’a expliqué que c’était son fils plus jeune, sa femme et leurs enfants, tous radieux de le rencontrer. C’était l’heure de partir pour son rendez-vous de dimanche.

Il a pris dans ses bras son petit-fils Jérôme, qui le regardait avec les beaux yeux doux de son épouse et sa petite-fille, Marie-Ève, lui a donné sa petite main. Elle aussi avait hérité quelque chose de sa grand-mère, le plus beau sourire qu’il n’y a. Son fils et sa belle-fille marchaient en avant, le grand-papa en arrière avec les petits-enfants et beaucoup d’histoires, ils sont partis lentement, en laissant des traces rayonnantes de vie dans le parc.

J’ai compris la sérénité de cet homme. Il a eu la chance de vivre dans un monde civilisé qu’il a aidé à bâtir. Ses enfants avaient été bien élevés, avaient bien choisi leurs compagnes et ils transmettaient ce bon héritage à ses petits-enfants. Il avait aidé à peupler la Terre avec de bonnes personnes et ceci valait le coup de vivre et de mourir en paix. Ce n’était pas inutile d’avoir fait de son mieux. Cette idée me semblait assez claire.

Je suis restée sur les plaines d'Abraham, j’attendais l'heure de rejoindre mon mari. Il n’était pas encore le temps de partir.

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P.S.: J'ai écris ce texte ça fait longtemps, quand je participais d'un groupe invité par l'ancienne KBR Editora, dirigé par l'écrivaine Noga Sklar. L'original est en portugais, mais je l'avais écrit en français aussi. C'est de la fiction. Aujourd'hui, je l'ai réécris avec quelques adaptations et modifications. Je me suis rappelée de ma sœur, qui rédigeait magnifiquement, et m'avait donné le conseil suivant: écrire est l'art de couper des mots (escrever é a arte de cortar palavras)... qui ne sont pas nécessaires, naturellement. Je ne me rappelle plus c'est qui l'auteur de cette phrase. J'ai suivi le conseil, j'ai coupé des mots, même des paragraphes entiers :-)

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